jeudi 29 octobre 2009

Au vent d'automne

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
43e relais : Yokkaichi
"Le fleuve Mie" (Miegawa)


J'aime le vent qui s'immisce dans les branches, dans les herbes folles et qui va jusqu'à faire s'envoler les chapeaux des malheureux voyageurs.
J'aime cette mystérieuse silhouette en manteau jaune sur la droite : où va-t-elle ? qui est-elle ?
J'aime ce paysage automnal entre eau et terre, entre terre et ciel.
Et j'aime aussi surtout l'humour de cette scène un peu grotesque. On se croirait dans un vieux film de Chaplin. Le vent est un personnage comique de première classe qui fait s'envoler les couvre-chefs... ou se déchausser les dentiers !

Mauvaise passe !
mes dents se déchaussent
au vent d'automne

Sugiyama Sampû (1647 - 1732)


mardi 27 octobre 2009

Comme des chefs !

J'ai l'infime honneur de fréquenter des apprentis cuisiniers presque aussi bons que des chefs, puisqu'ils gagnent des concours de cuisine japonaise. Si, si, c'est vrai ! Vous pouvez le constater ici !

Du coup, à la maison c'est plus que jamais la fête, Maître Moun au fourneau en cerise sur le gâteau prune sur le riz :
... et Geisha Line jouant les hôtesses zen et sortant le beau service en porcelaine :Merci à notre cher lecteur anonyme (qui se reconnaîtra ?) d'avoir joué les cobayes pour tester en avant-premières ces créations culinaires !

jeudi 22 octobre 2009

Poissons d'automne

Dans un Japon traditionnel, quoiqu'à une époque indéterminée, Yoshi est fabricant d'éventails et Sabu, son voisin, est vendeur d'anguilles grillées. Les deux hommes rivalisent d'aigreur : Yoshi est excédé de voir son voisin griller sous son nez d'excellentes anguilles et Sabu très énervé de voir que personne, même pas son voisin, ne les lui achète. L'odeur du poisson grillé procure autant de plaisir que son goût, prétend le marchand d'éventails. Ah bon !, rétorque Sabu, dans ce cas-là il faut payer pour ce plaisir olfactif ! Mais Yoshi est malin et nargue son voisin en faisant trébucher des pièces de monnaie : si l'argent n'a pas d'odeur, il peut faire du bruit... mais est-ce que le bruit des pièces d'argent vaut salaire ?
Mais ne racontons pas la suite de cet album pour enfants intitulé Le festin de Yoshi ! L'histoire est pleine de malice et met en scène habilement une rivalité... qui finira par une belle amitié. Et quand on sait quelle importance revêt la nourriture chez les Japonais, on comprend qu'un simple poisson grillé puisse avoir un rôle aussi important dans une histoire !
Les illustrations de Yumi Heo sont pleines de finesses. Chaque personnage porte un magnifique kimono, l'illustratrice (d'origine coréenne) jouant sur les textures des étoffes et évoquant une atmosphère raffinée proche de celles des estampes traditionnelles. Le dépaysement est garanti.

En refermant cet album, je n'ai eu qu'une envie : me mettre devant un bon repas japonais ! Le texte évoque le sanma, un poisson du Pacifique, qui, nous dit l'histoire est succulent, bien que dégageant une odeur nauséabonde. Nous sommes aujourd'hui en automne et c'est la saison par excellence du sanma. Les caractères japonais de ce mot signifie en effet "automne-sabre-poisson". Tout un programme !

En attendant, pas de sanma chez mon poissonnier... Alors je me contente de regarder de vieilles photos en salivant. Il va falloir que je retourne rue Sainte Anne vérifier l'expression shokuyoku no aki - "automne, saison du solide appétit" !
Photo prise le 15 avril 2009 à Nagasaki


Le festin de Yoshi

Kimiko Kajikawa
Yumi Heo (illustrations)
Texte français de Dominique Mathieu
Père Castor / Flammarion
2003 (pour l'édition française)

Dans la baie d'Ise

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
42e relais : Kuwana
"Vers la traversée de sept lieues" (Shichira watashi guchi)


Peu à peu mes poumons
se teignent de bleu -
voyage en mer


Shinohara Hôsaku (1905-1936)

jeudi 15 octobre 2009

A l'assaut !

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
41e relais : Miya
"La fête d'Atsuta" (Atsuta shinji)

C'est le début de l'été. C'est la fête. Nous sommes à Miya, au sud de Nagoya. Hommes et cheveux font la course pour arriver les premiers au sanctuaire shintô d'Atsuta. Celui-ci abrite, dit-on, un trésor impérial : une épée sacrée attribuée à l'acte de bravoure d'un valeureux héros.
Il y a quelque chose dans cette scène qui tient à la fois du western et de la manifestation virile de rugby (chaque équipe porte des maillots d'une couleur distinctive). J'aimerais avoir avec cette estampe la bande son. Quels cris bestiaux lancent ces hommes en se jetant à l'assaut de leur cible ? Y a-t-il à l'arrière-plan gauche de l'image des supporters acclamant les compétiteurs ?
On dit que les estampes ont des traits fins et délicats. Ici, les visages de ces personnages sont quasiment des caricatures presque grossières.

mardi 13 octobre 2009

Taro et la tortue

Voilà un bon bout de temps que je n'ai pas parlé de mes lectures. C'est que mes lectures ne sont pas très japonaises ces derniers temps et surtout (vraie raison) que j'ai une grande flemme dans la patte !

Mais je tiens quand même à vous dire un mot d'un de mes derniers coups de coeur : l'album Les deux vies de Taro, écrit par Jean-Pierre Kerloc'h et illustré par Elodie Nouhen (publié chez Didier Jeunesse).
L'histoire n'est pas nouvelle. Il s'agit d'une adaptation d'une vieille légende japonaise, aussi connue chez les Japonais que notre Petit chaperon rouge. Jean-Pierre Kerloc'h a en effet réécrit là le conte d'Urashima Taro, l'histoire d'un pêcheur sauvant une tortue. La tortue, animal symbole de longévité, saura lui rendre grâce et le remercier, l'entraînant au fond de l'océan, dans le Royaume de la Mer, où il tombera amoureux de la princesse Otohimé.
Bon, je n'ai pas envie de résumer l'histoire. Il faut que vous la lisiez ! J'aime particulièrement la fin du conte qui ouvre une belle réflexion sur le temps qui passe. Jean-Pierre Kerloc'h a su donner à cette histoire toute sa poésie et sa féerie, choisissant les mots avec justesse et finesse. Les illustrations mettent en valeur le récit, créant un univers onirique et mystérieux. Les tons sont chauds, voire sombres lorsque la tension dramatique monte (lorsque le pêcheur tombe au fond de l'océan). Certes, les images ont parfois un côté plus chinois que japonais (peut-être est-ce le choix du grand chapeau qui me fait dire cela). Mais il y a de magnifiques trouvailles dans le choix graphiques, comme l'utilisation de fils de fer pour figurer les filets du pêcheur, l'utilisation de petites touches dorées quand il s'agit d'évoquer le merveilleux royaume de la mer et surtout les effets de matière et les dégradés qui donnent une fabuleuse épaisseur au dessin.
Une belle union du texte et de l'image. Un beau voyage !

Les deux vies de Taro
Jean-Pierre Kerloc'h
Elodie Nouhen (illustrations)
Didier Jeunesse
2003

  • Une critique du livre sur Sitartmag
  • Pour lire le conte d'Urashima Taro dans une vieille version de 1903, d'un certain Claudius Ferrand
Et pour le plaisir, comme je n'ai pas de scanner pour vous montrer quelques pages de l'album, je vous offre une estampe de Utagawa Kuninaga revisitant la légende de Taro :(Source de l'image ici)

jeudi 8 octobre 2009

Chiffons

Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
40e relais : Narumi
"Spécialité d'Arimatsu-shibori" (Meibutsu Arimatsu-shiborii)

Parlons chiffon sur la route du Tokaïdo. Cette semaine, Geisha Line s'est fabriquée un nouveau sac en tissu japonais (des fleurs de couleurs vives sur un fond noir). Alors c'est pour elle le moment de jouer à l'élégante, comme cette voyageuse que l'on devine à peine dans sa chaise à porteur.
La boutique sur la côté gauche est spécialisée dans la teinture des étoffes. On aperçoit des kimonos bleu nuit accrochés à l'entrée. Mais on ne voit pas bien, c'est dommage. J'aimerais pouvoir entrer dans cette échoppe, toucher tous les beaux tissus et dire au vendeur, d'un air émerveillé, "ah, je ne sais lequel choisir !"

jeudi 1 octobre 2009

Soirée diapos !

Enfin, j'ai mis en ligne les photos du voyage en Corée du Sud et au Japon (Kyushu)... qui datent d'avril 2009.
Mieux vaut tard que jamais, comme on dit !

Pour la soirée diapos, c'est ici :

La vie est un voyage

« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole.
Écrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin.
»

Katsushika Hokusai, Postface aux cent vues du mont Fuji.


Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
38e relais : Okazaki
"Le pont Yahagi" (Yahagi no hashi)


Hiroshige - Sur la route du Tokaïdo
39e relais : Chiryû
"Foire aux chevaux du début de l'été" (Shuka uma-ichi)


Au bout du chemin, il n'y a peut-être pas seulement la vieillesse. Mais aussi la satisfaction d'être enfin parvenu à la hauteur de soi-même.
Enfin peut-être.